Madagascar est une île et son climat n’est pas toujours clément. Afin de pouvoir continuer à circuler et livrer les marchandises nécessaires à la vie de la Grande Ile, les Malgaches ont vite tiré usage de petits bateaux en bois. Construits traditionnellement, les boutres forment un héritage qui perdure encore aujourd’hui.
Une œuvre familiale : l’histoire des boutres malgaches
Le tournant nautique de l’histoire malgache s’effectue dans les années 1860. Le roi souverain, alors, est en bon terme avec les colonies françaises et anglaises aux alentours. Sur sa demande, La Réunion envoie Enasse Joachim, charpentier breton immigré, prodiguer son savoir. Son installation dans le Nord de Madagascar est de courte durée.
Le breton doit fuir alors qu’une nouvelle reine prend le pouvoir et se montre particulièrement opposée aux étrangers. Joachim finit par s’installer sur la côte Ouest, établissant un chantier naval à Morondava et une école de charpenterie à Bélo-Sur-Mer. Ces deux villes ne sont pas choisies au hasard. Si Joachim et ses fils s’implantent à l’Ouest de Madagascar, c’est surtout parce que la région possède en grande quantité multiples types de bois.
Le bois, après tout, est essentiel. Il faut qu’il soit dur, qu’il flotte, et qu’il soit suffisamment abondant pour pouvoir réaliser l’ensemble de la goélette. Selon le gabarit, le boutre va de 20 à 60 tonnes, de 12 à 20 m de long et autour de 4 m de large. Le processus, long et technique, s’apprend d’abord à l’école de charpenterie. Bien vite, pourtant, c’est un héritage qui se transmet de père en fils.
Antalaha, riche de sa vanille et ses boutres
Si l’Ouest a vu les premières constructions marines, le savoir se répand bien vite dans tout le pays. Après tout, il n’y a qu’une seule condition pour pouvoir réaliser ces bateaux d’inspiration arabe. Il faut un accès abondant au bois. Le parc d’Andronoanala, avec près de 1300 hectares de marécages et forêts, semble alors offrir les ressources nécessaires au chantier naval d’Antalaha.
La ville, capitale mondiale de la vanille, n’est pas forcément associée de prime abord aux boutres comme peut l’être Bélo-sur-mer. Cet héritage traditionnel s’y transmet pourtant également. Sur la plage, le chantier de construction permet de voir tous les bateaux en cours, réalisés par tout charpentier, vieux comme jeunes.
Les boutres, qui ne sont pas équipés d’électrique, ont longtemps été le seul moyen de naviguer le long des côtes. Leur itinéraire reposait alors totalement sur les connaissances intimes de l’environnement de son équipage. Pour Antalaha, ces boutres permettaient entre autres d’envoyer leur vanille et produits à l’autre bout de l’île.
Une fabrication artisanale mise en difficulté
Cet héritage traditionnel, précieux aux pêcheurs et charpentiers de l’île, demeure difficile à préserver. Si le savoir-faire peut continuer à se transmettre de génération en génération, ce sont les ressources qui se font minimes. La construction d’un boutre, qui plus est, est loin d’être avantageuse. Pour certains, cela peut mettre des années, jusqu’à dix ans, pour une seule goélette.
La raréfaction du bois explique notamment cela. Comme le reste du monde, Madagascar n’a pas su échapper à la déforestation. Par exemple, de nombreux hectares de forêts ont été brûlés afin d’agrandir les territoires agricoles. L’île cherchant à appuyer son statut de territoire protégé, une grande partie de sa forêt est considérée « aire protégée ». Des projets de préservation sont même lancés. La coupe du bois, notamment, devient donc interdite.
Beaucoup de charpentiers, qui jusqu’alors privilégiaient les vieux arbres, se laissent à présent tenter par la coupe illégale. Pour certains professionnels, cet ensemble de facteurs pousse à repenser la conception des boutres. Le bateau traditionnel pourrait disparaître totalement de l’usage naval, remplacé par des goélettes plus modernes, pourquoi pas avec des coques en résine. Le boutre, héritage familial, deviendrait alors un simple gréement à touristes.